Le rassemblement impossible

Annie-Joëlle Priou-Hasni —Anijo— a annoncé par un tract la constitution d’une liste dite « citoyenne » pour les prochaines élections municipales de Plaisir

Entre Mme K —Marijo de son nom de scène et Anijo— outre la rime riche nous avons comme autre point commun que ce sont toutes deux des femmes de théâtre… Cela nous promet peut-être du spectacle, mais que se cache-t-il derrière le masque de ces deux comédiennes ?

A la fin du mois de novembre, dans un billet du blog, j’avais annoncé l’échec de nos négociations avec d’éventuels partenaires, c’était justement de cette équipe « portée » par Anijo qu’il s’agissait :

Nous nous prononcions pour un rassemblement des forces clairement de gauche, en vue de la reconstruction d’un pôle social et écologique fort et sans compromis. Je me suis contraint au silence sur ce blog pendant presque trois mois du fait des négociations qui étaient en cours avec nos partenaires éventuels (c’est-à-dire la partie du PS qui n’a pas complètement viré à droite, les Verts et des « citoyens », dits de la « société civile » —je mets toujours des guillemets à ces mots si banalisés qu’ils ne veulent plus rien dire et servent d’alibi à n’importe quoi). Autant l’annoncer tout de suite, ces négociations ont avorté.

Je ne souhaitais pas débattre publiquement des raisons de cet échec, car l’opinion déteste à juste titre ce genre de tractations « politiciennes« , mais dans la mesure où, à leur tour, ces personnes avec qui nous avions discuté pendant deux mois, présentent une liste, il me semble honnête de les rendre publiques maintenant. D’autant qu’avec leur premier tract, nous avons une surprise, on y reviendra

La chronologie de l’affaire remonte à septembre dernier, où, après la parution dans l’Essentiel de la tribune de Djamel par laquelle il affirmait son intention d’être présent aux municipales, Annie-Joëlle Priou-Hasni prit contact avec lui et le sollicita pour réunir nos forces. Par ailleurs, la section du PCF avait opté pour une liste de rassemblement afin de reconstruire une dynamique unitaire de gauche à Plaisir. Les conditions auraient donc pu être réunies pour trouver un accord.

La première difficulté qu’ont rencontrée nos négociations portait sur « l’orientation clairement de gauche » affichée. Nous entendions certes de grandes professions de foi sur « les valeurs de gauche » mais de là à les afficher, il y avait une marge qui semblait infranchissable : « les gens » parait-il ne voulaient plus entendre parler de la gauche ni des partis… Nous pouvons certes comprendre cette défiance populaire, cela ne veut pas dire la suivre ni l’approuver dans un rejet dicté par la déception mais qui constitue une victoire pour nos adversaires : nous faire détester les outils que nous avons construits pour les combattre, que peuvent-ils espérer de mieux ?

Donc il n’aurait surtout pas fallu utiliser une référence à la gauche dans une éventuelle campagne commune. Se plier ainsi à une opinion qu’on pense majoritaire, ça s’appelle de l’opportunisme et de la démagogie et pour nous ça coinçait un peu… Un compromis avait été envisagé qui consistait à ne pas évoquer « la gauche » en tant que telle, ni les partis —mais à afficher fortement les valeurs de l’égalité, l’émancipation et l’écologie, qui sont précisément le cœur de la gauche, même si on ne la nomme pas elle-même. Je vous épargne toutes les réticences que nous avons rencontrées, la volonté de reléguer ces notions à l’arrière-plan et les pinaillages sur le vocabulaire, bref, deux mois de perdus ; on a même entendu « l’émancipation, c’est trop connoté marxiste« , et finalement, c’est peut-être cette phrase qui trahit le mieux la vraie nature des difficultés à trouver une entente : leur anticommunisme foncier.

Un accord a minima pouvait encore être trouvé, mais s’est posée la question de la tête de liste : pour nous, elle devait être aussi clairement de gauche que l’orientation du programme —et ce n’était pas une question d’ego, même si certains par facilité intellectuelle chercheront à la ramener à ça. La tête de liste aurait dû être, selon eux, définie plus tard dans la campagne… C’est pour le moins irréaliste de confier un leadership et tout le pouvoir sur les orientations à la décision ultérieure d’une liste non encore constituée ! Irréaliste ou manœuvrier car devant cette carence, Djamel Niati a proposé d’assumer ce rôle —et ce n’était pas une question d’ego— Anijo aussitôt a crié « et moi, et moi ! » —et là c’était peut-être bien une question d’ego, ou pour le moins un dessein caché dès l’origine de cette proposition de rassemblement.

Il ne s’agit évidemment pas de dénigrer sa personne, mais il est clair qu’elle n’offrait aucune garantie d’une vraie orientation politique de gauche, jamais engagée politiquement mais candidate au côté du Modem —donc de la droite— en 2014, elle ne pouvait pas, pour nous, mener un rassemblement de gauche sans ambiguïté. Nous l’avons exprimé et dès cet instant nous n’étions plus les bienvenus…

Finalement leur proposition d’un rassemblement unitaire se réduisait à une ambition personnelle au service de laquelle nous étions conviés, les valeurs de gauche à un verbiage consensuel qui ne devait choquer personne et la stratégie à du pur opportunisme. Pour paraphraser Tomasi di Lampedusa, il aurait fallu tout changer dans les apparences, les codes et les mots pour que rien ne change au fond.

Et cela, ça ne pouvait pas se faire avec nous…

JPR